Le terme manifeste est peut-être un peu grandiloquent, mais l’objectif d’ensemble est de structurer et de partager ce sur quoi je compte mettre mes énergies à l’avenir et notamment comment mon action dans le domaine de l’innovation municipale peut contribuer à réaliser un avenir désirable. Un billet précédent contenait plusieurs inspirations récentes, éléments certes théoriques, mais importants à mes yeux. Ce billet va se concentrer sur des éléments plus concrets.
L’arbre, la forêt et quoi d’autre?
Ma principale frustration dans les dernières années est l’impression de passer à coté du plus important. Pas juste moi: nous tous. L’ensemble des analyses, des recherches, des politiques cherchent à voir l’arbre ET la forêt. Que peut-il nous manquer? Certains pourraient être tentés de dire que nous ne voyons pas que la forêt est en feu. Mais comment comprendre cet incendie… et comment l’arrêter?
Alors que j’écrivais ce billet, un de mes contacts sur Facebook se demandait comment faire adopter les “bonnes” politiques environnementales, celles qui feraient cesser les incendies, les extinctions, les changements climatiques. La publication juste en-dessous soulignait pourquoi le desespoir de bien des Américains signait une potentielle réélection de Donald Trump. Le desespoir nourrit les actes préjudiciables qui eux-mêmes nourrissent la destruction et donc plus de desespoir dans une spirale funeste qui pourtant ne devrait être vue comme inéluctable.
Les actions sur lesquelles je compte me concentrer à l’avenir visent sortir des logiques pernicieuses et auto-destructrices, pour moi individuellement et pour ceux avec qui j’agis.
1. Être à l’écoute
Comme je le soulignais dans le précédent billet, la découverte de la Communication non-violente (CNV) a été pour moi un moment important des dernières années. Et, à l’instar de la vision de son créateur, ça me semble être un extraordinaire outil pour commencer à changer le monde. La prémisse de la CNV est que toute action humaine résulte de la volonté de combler un besoin humain fondamental. L’approche se connecte à l’universalité de la nature humaine: nous avons tous les mêmes besoins (appartenance, écoute, sécurité, etc.) et chaque action est liée à ces besoins. Ce n’est pas de l’égoisme nombriliste: dans les bonnes conditions, ces besoins se traduisent par ce qui se fait de plus beau dans l’Humanité, mais lorsque négligés, ces mêmes besoins produisent de comportements individualistes, agressifs et destructeurs.
Selon cette vision, voir des idiots dans ceux qui s’opposent à des politiques environnementales pourtant nécessaires revient à nier les besoins de ces personnes et jusqu’à un certain point à nier ces personnes elles-mêmes. Selon Marshall Rosenberg, fondateur de la CNV, c’est une communication aliénante dont une des conséquences sera de cliver “l’autre”, de le renforcer dans la position. À partir de ce moment, la force et la coercition deviennent la seule voie de sortie. Celui qui a “gagné” aujourd’hui, par le nombre ou la force, vient de créer l’esprit de vengeance qui aura raison de lui demain ou à tout le moins empêchera une relation de confiance.
Le meilleur cas de communicaiton aliénante et contre-productive qui me vienne à l’esprit: Hilary Clinton traitant les électeurs potentiels de Trump de basket of deplorables. En prononçant ces paroles, Mme Clinton a vraisemblablement scellé le destin de l’élection en s’aliénant définitivement tous ceux qui envisageaient, même de loin, voter pour Donald Trump. En essayant de se reprendre, Mme Clinton a souligné que M. Trump amplifiait les “hateful views and voices”. En s’exprimant ainsi, elle contribuait elle-même à ces voix violentes. D’où la nécessité d’une communication non violente et, dans ce cas-ci, de reconnaître les aspirations de ceux qui votent pour un Trump.
Si on revient au Canada : on pourra répéter ad nauseam qu’il faut sortir du pétrole. En même temps, une partie importante de la population repose directement ou indirectement sur l’exploitation de cette matière première. Et c’est pour cette raison que le Parti conservateur, qui ignore les changements climatiques, a obtenu le plus grand nombre de votes lors de la dernière élection législative. On peut continuer à dire qu’il faut arrêter d’extraire du pétrole du sol, on peut dire que les provinces pétrolifères n’ont pas géré adéquatement les retombées financières des dernières décennies d’exploitation: ça n’en change pas moins la réalité des personnes concernées, celles qui se sentent menacées par la sortie du pétrole. Tant qu’il n’y aura pas une écoute sincère de ce qu’ils vivent, de ce à quoi ils font face, on va continuer à se mordre la queue, à alterner entre des gouvernements ouvertement pro-pétroles et des gouvernements mollement pro-environnement –et des progrès tout à fait insuffisant au long terme. Ça va paraître horriblement naïf, pourtant reconnaitre ce à quoi l’autre fait face, verbaliser une empathie envers les besoins de l’autres pour ensuite souligner que ces besoins ne seront pas laissés de coté, peut complètement changer une relation. Entendons-nous bien: extraire du pétrole ou posséder une auto n’est pas un besoin humain au sens de la CNV!
Dans la CNV, il n’y a pas de bon ou de mauvais, de juste ou d’injuste de manière absolue. Il n’y a pas non plus de on doit, il faut. Il y a juste des besoins, des sentiments liés à la réponse ou non de ces besoins et la responsabilité de créer une relation profonde et non aliénante à partir de laquelle tout devient possible. Ceci peut sembler bien léger pour régler les problèmes du monde, pour échapper au mur vers lequel nous pensons nous diriger et si c’est à mon avis nécessaire, ce n’est pas non plus suffisant. En même temps, cette approche va tellement de soi qu’il semble invraisemblable que ce ne soit pas la base de chaque relation.
Qu’est-ce que tout cela veut dire pour moi, pour mes actions? Être à l’écoute, c’est pour moi une actions consciente et volontaire d’écouter les autres, surtout ceux qui ont discours discordant. C’est aller au-delà de l’argumentation, de vouloir avoir raison pour comprendre ce que ressent l’autre, se connecter au plus près à ses aspirations et ses motivations. C’est accepter que cette connexion me changera surement: aussi vertueux que je veuille être, je ne détiens pas la vérité, je ne peux prétendre savoir de quoi l’avenir est fait. Enfin, en bonus, être à l’écoute, c’est aider les autres à être également à l’écoute, partager ce qu’on peut en retirer, comment ça peut nous rendre meilleur comme humain.
2. Comprendre les tendances lourdes et les leviers d’influence
Comme je l’expliquais dans l’article précédent, dans la série Fondation, Asimov fait un remarquable travail de vulgarisation sur les tendances long termes vécues par des civilisations. Évidemment, la psychohistoire du roman offre un outil d’analyse qui n’est pas à notre disposition, mais une compréhension d’ensemble des tendances lourdes de notre monde offre tout de même des opportunités d’entrevoir ce qui nous attend ainsi que des points d’inflexion à utiliser.
À défaut de psychohistoire, des cadres d’analyse existent pour nous aider dans notre tâche. Sur ce sujet, je vais m’appuyer sur le modèle dit Two loops, du Berkana Institue, que nous a présenté une collègue de Vancouver. Ce modèle est simple et n’a rien d’extraordinaire, mais il fournit une grille d’analyse sur ce qui nous entoure. Vous pouvez regarder une petite vidéo pour mieux comprendre, mais grosso modo l’idée est que tout système dominant fini par plafonner puis décliner. Généralement, alors même que le modèle dominant atteint son apogée, des modèles alternatifs prennent naissance et se structurent progressivement, au point de finir par prendre le relais. On retrouve un modèle un peu similaire, appliqué aux entreprises et aux produits, dans le Dilemme de l’innovateur de Clayton Christensen.
Il est facile, dans ce modèle, de se concentrer sur la boucle émergente: c’est cool, c’est beau, en tant qu’innovateur, ça fait plaisir à l’esprit. Le modèle du Berkana Institute souligne toutefois l’importance de s’occuper de la boucle déclinante. Pourquoi? Parce qu’au sommet de sa gloire, beaucoup de personnes dépendent du modèle dominant et si on le laisse choir brutalement, ça peut être une dévastation pour de nombreuses personnes, ça peut même se traduire par la ruine d’une société. Par ailleurs, en cherchant à précipiter la chute du modèle dominant, on provoque également une réaction de défense du modèle qui va chercher à perdurer… augmentant ainsi les risques d’une chute brutale. Bref, le modèle Two loops nous invite à préparer des refuges (giving hospice) à ceux qui reposent sur le modèle dominant, à reconnaitre la contribution de ce modèle dominant et à conserver ce qu’il avait de bon et qui peut nourrir les nouveaux modèles (le compost). À partir de quoi, il est envisageable d’avoir une transition positive et riche de possibles pour le maximum de personnes.
Facile à dire. Mais aujourd’hui, parmi les tenants de la sortie du pétrole, qui est prêt à reconnaitre la contribution de l’industrie pétrolière à notre monde. Pourtant elle est évidente. Qui est prêt à reconnaitre qu’il existe, dans l’industrie pétrolière et dans les gens qui y travaillent, du bon qu’il faut conserver. Ça me semblait moi-même quasi-hérétique jusqu’à récemment, surtout quand je pensais aux efforts déployés par certains joueurs de l’industrie pour nier l’existence même des changements climatiques. Pourtant, ces tentatives de tordre le cou à la réalité ne doivent pas être notre point focal. En vilipendant un modèle, et ceux qui en dépendent, on ne fait que créer des clivages et de la tension, retardant et rendant plus douloureuse une transition par ailleurs nécessaire.
Une autre grille d’analyse qui me semble intéressante: les modèles malthusien et cornucopien. Ça me vient d’un cours en économie de l’environnement, en 2006, époque où on pensait encore pouvoir sauver le protocole de Kyoto, c’est dire que c’est loin! Le modèle malthusien suppose que la limite finie des ressources terrestres face à la croissance sans borne de la population humaine (et par extension de l’économie) ne peut que se traduire par des guerres, des famines, des épidémies et la hausse des prix de différentes ressources. A contrario, la modèle cornucopien (corne d’abondance), moins connu, repose sur l’inventivité humaine et sa capacité d’adaptation pour conjuguer croissance des besoins humains et limites finies de la Terre.
À l’époque de ce cours, en bon proto-environnementaliste, ça me semblait évident que le modèle malthusien était le plus réaliste. Ce que j’ai appris à l’époque, d’un prof clairement environnementaliste, c’est qu’historiquement nous sommes plus proches du modèle modèle cornucopien.
Avant d’aller plus loin, je dois faire deux mises en garde importantes: Le modèle cornucopien est surtout une philosophie futuriste largement soutenu par les libertariens et mettant le progrès technologique au centre de cette capacité d’adaptation. Mon point ici est plus historique: les occurrences de tendances malthusiennes sont ponctuelles et spécifiques et non une tendance lourde et démontrée. Par ailleurs je ne vois pas dans la technologie la principale source de cette évolution -même si elle joue un rôle important. De plus, la reconnaissance d’une tendance cornucopienne n’exclut pas le fait que nous vivions actuellement à crédit sur notre planète. Je pointe qu’historiquement l’humanité n’a jamais été significativement bloquée par les limites malthusiennes, qu’elle a toujours su s’adapter quand elle approchait des limites; ce sont d’autres facteurs qui ont, par exemple, amené un plafonnement de la population. Fin de la séquence mises en garde.
Lorsque j’ai suivi ce cours, le cours du pétrole et de plusieurs autres matières premières était particulièrement élevé, ce qui laissait croire que finalement, on atteignait les fameuses limites malthusiennes, au moins sur certains sujets. Le prof avait fait le pari que ces prix élevés n’étaient pas une tendance long terme… et il avait raison. Ce cours fut pour moi une grande remise en question de ma vision du monde. Depuis que Malthus a exposé sa théorie, au début du XIXème siècle, la population mondiale a été mulpliée par 8 et le gros de l’humanité est sortie des conditions abjectes dans lesquelles vivait le gros de la population à cette époque.
Là encore, attention: ça ne veut pas dire qu’il existe une règle divine stipulant que le principe de Malthus ne va pas nous rattraper un jour. En même temps, à bien des occasions, l’impact réelle d’une tendance (e.g augmentation de la population) n’a pu être comprise sur le coup.
Mettre en oeuvre ces principes dans mes actions quotidiennes n’est pas une mince affaire, voici tout de même ce que j’en retire. Premièrement, ne pas présupposer de la direction que nous prenons comme société: même si certaines tendances lourdes sont incontournables, l’impact sur notre civilisation est bien trop complexe pour être anticipé sérieusement puisqu’il est difficile d’anticiper l’adaption qu’elle engendrera. Deuxièmement l’analyse de ces tendances lourdes peut être riche d’enseignement: les modèles dominants changent tout le temps. Il faut repérer ceux qui ont fait leur temps et les accompagner, tout en décelant et supportant les modèles émergents. Les modèles émergents créeront eux aussi leurs problèmes, leurs externalités, mais il y a un marge de manoeuvre, dans les périodes de transition, pour favoriser certains modèles, plus humains, plus respectueux de l’environnement par exemple. Enfin ceci peut se faire à toutes les échelles: si j’ai peu de chance d’influencer directement l’évolution du capitalisme, les modèles de villes, par exemple, sont beaucoup plus dans ma portée d’action.
Tout cela est difficile à réaliser: les modèles dominants sont tellement sous notre nez, sont tellement représentatifs de notre vie, qu’il est difficile de les voir. Mais ce que nous vivons n’a pas toujours été ainsi, et il n’en sera pas toujours ainsi. Par exemple, même si nous sommes dans le grand modèle capitaliste depuis longtemps, plusieurs sous-modèles se sont passés le relais dans le dernier siècle. Nous avons aussi tendance à être aveugles aux changements de grande ampleur qui se déroulent sur plusieurs années: que ce soit l’évolution du modèle capitaliste ou l’introdution d’Internet et du téléphone cellulaire, bien de choses ont changé dans les 20 dernières années et pourtant individuellement, nous n’avons pas nécessairement l’impression d’avoir changé.
3. Contribuer aux histoires du futur
Troisième et dernier point: participer à une vision du futur qui donne envie d’être construite.
Même si je suis le premier à aimer me complaire dans des récits de dévastation, j’ai atteint un niveau de saturation qui me donne envie de regarder ailleurs. En prenant une pause d’écriture de ce billet, je suis tombé sur un bilan de la décennie de Nicolas Langelier de Nouveau projet. Malgré une pointe finale qui nous promet d’envisager “nos plans à nous, pour la suite des choses”, l’ensemble de l’article donne envie de figer le temps, de se blottir dans notre présent car l’avenir ne peut qu’être pire, on ne pourra regarder le début des années 2000 que comme une apogée qui ne pourra plus être atteinte du vivant de nos enfants et surement de leurs enfants. Nicolas Langelier énonce des vérités incontournables, c’est certain. Mais de là à damner nos enfants à une vie de misère… Je m’y refuse!
Je m’y refuse pour plusieurs raisons: d’abord, parce que même si nous sommes au zénith de notre civilisation, beaucoup de monde semble malheureux, alors vivons-nous tant que ça une époque formidable? Une époque qui devrait rester dans les annales de l’Humanité? Poser la question, c’est y répondre.
Je m’y refuse aussi parce que, comme mentionné plus haut, on ne peut jamais prédire l’impact réel de certaines tendances, on ne peut pas prévoir comment l’Humanité et la nature vont s’adapter. Et les humains sont capables de s’adapter avec une rapidité déconcertante. Ce qui était nouveau hier est normal aujourd’hui. À l’échelle mondiale, nous nous en allons vers une bonne dose de souffrance collective à cause des changements climatiques mais est-ce que cela rendra la vie si misérable que l’année 2019 ressemblera à un paradis inaccessible? Impossible à dire.
Surtout, je m’oppose aux discours catastrophistes car je suis convaincu qu’ils nous font faire de mauvais choix. Comme l’explique très bien un article récent, le déclinisme favorise l’émergence de discours populistes, guerriers et agressifs. Les discours catastrophistes nourrissent les réflexes de protection et la recherche de bouc-émissaire. Le desespoir que cela entraine en appelle à des décisions radicales, en des dirigeants perçus comme forts et directifs, qu’ils viennent de gauche ou de droite, d’en haut ou d’en bas. Bref, toutes sortes de choses que nous voyons autour de nous et qui nous éloignent, en bout de ligne, de ce qu’il faudrait faire.
Un corrolaire au discours décliniste est celui de la responsabilté humaine. En effet, si nous partons d’avance avec le sentiment que nous allons au diable, c’est parce que l’être humain, dans sa constitution, serait faible, individualiste, bon à rien. C’est un discours que j’entends de manière croissante, certains de ses chantres étant particulièrement vocaux. C’est certain que nous faisons face à des perspectives angoissantes, on ne peut pas le nier. Et comme je le mentionnais moi-même dans les premières lignes de ce billet, on se serait attendu à des actions plus unanimes et rapides pour corriger le tir. L’absence d’actions d’envergure ne doit toutefois pas être considérée comme une tare irrémédiable de l’humanité. Ou plutôt: si on continue à alimenter une vision d’une humanité incapable, on risque de finir par s’en convaincre. Toutefois, pour les raisons que je mentionnais plus haut, les contradictions de chaque individus et a fortiori les contradictions de grands groupes d’individus, ne doivent pas être considérées incurables: elles sont surmontables si on n’en appelle pas à des relations aliénantes ou à la recherche de bouc-émissaires. Ce n’est pas une mince affaire, mais toujours mieux que de partir vaincus d’avance!
Pour faire le pont aussi avec le modèle Two Loops, les discours déclinistes sont le fruit d’une vision où nos sociétés restent collées avec des modèles dominants sur le déclin. Effectivement, si nous restons collés à ces modèles, nous allons couler avec. Et c’est un cercle vicieux: en provoquant un reflexe de repli et de crispation sur le thème “c’était mieux avant”, on bloque les espaces permettant à de nouveaux modèles de fleurir. Mon parti pris, qui est loin d’être naturel pour moi, est de travailler à contrer cette vision du monde par un discours positif sur l’avenir que nous pouvons construire. En regardant les modèles alternatifs et émergents. Plutôt que de continuer à projeter la trajectoire des modèles dominants en déclin, une approche qui favorise les actions de panique, il est nécessaire de proposer des modèles qui invitent à la construction.
Évidemment, l’idée n’est pas de sombrer dans l’angélisme, de se raconter des histoires naïves hors contexte ou des espoirs de progrès et de technologie qui nous sauvent tous; on a dépassé ce stade. Mais plus de travailler sur des modèles de villes, de sociétés, qui partent de notre situation actuelle et nous montrent des lendemains qui méritent d’être vécus et pour lesquels, collectivement, on aura envie de se mettre en action.
Épilogue
Les éléments de ce manifeste pourront paraitre ésotériques à certains. Ça m’aurait paru ésotérique il y a un an ou deux. Toutefois, après des années et des décennies à tourner autour de certains enjeux comme l’environnement, après avoir vécu moultes déceptions, espoirs déçus de voir changer les choses, incompréhensions face à l’apathie ou au rejet de ce qui était pour moi des évidences, j’ai choisi ces approches “ésotériques” parce qu’elles founissent un modèle explicatif cohérent à ce que je vois depuis de nombreuses années et qu’en même temps elles fournissent des pistes pour évoluer.
Ces outils me permettent notamment de passer par-dessus les nombreuses incohérences que je vois quotidiennement, chez les autres comme chez moi: cette volonté d’être un meilleur humain, de prendre soin des autres comme de l’environnement, mais d’être incapable de le faire pleinement. Ces contradictions que l’on vit en niant les problèmes ou en sombrant dans une espèce d’anxiété ou de desespoir improductif.
Ce qui me plait dans le résultat dans ma réflexion, elle-même issue de toutes les interactions des derniers mois, de ce que d’autres m’ont généreusement partagé, c’est que ça s’applique à une vaste gamme d’enjeux et d’échelles. Et même si j’ai relativement peu d’espoir de pouvoir intervenir à l’échelle mondiale, j’ai la chance de pouvoir intervenir localement, notamment à l’échelle de ma ville, dans un espace où les trois éléments que j’ai expliqué plus haut ont parfaitement leur place: écouter le milieu, se connecter à la puissance de vie de ceux qui vivent autour de moi, comprendre les modèles émergents qui cherchent à naître dans les quartiers en même temps que ceux qu’il faut accompagner dans leur déclin et finalement contribuer à un discours de ce que peu devenir notre ville.
Le Canada a la chance de demeurer un endroit stable, un ilôt paisible dans un monde secoué par la rage, et nos villes sont regardées à travers le monde comme des modèles de possibles. Nous sommes encore loin de pouvoir définir des modèles d’avenir complets et riches, pour les humains comme pour l’environnement, mais si nous faisons les bons choix, si nous donnons la place aux humains qui y vivent, nous pouvons montrer l’exemple, nous pouvons, comme le disait Ilya Prigogine, “envahir tout le système, engendrer un régime de fonctionnement nouveau”.
Après tout, c’est au coeur de l’hiver que se préparent certains des plus beaux bourgeons!
P.S. Je comptais m’en tenir à deux billets. Toutefois, je souhaite partager plusieurs autres éléments qui auraient alourdis ce billet déjà long. Il y aura donc une troisième partie, un addendum, prochainement.