En quelques semaines, ce qui était une année mal commencée s’est transformé en un monde suspendu. L’ampleur des décisions prises à travers le monde pour arrêter la propagation d’un brin d’ARN piratant les cellules humaines dépasse certains romans d’anticipation. Et nous nous retrouvons tous là, dans l’expectative, à nous demander de quoi demain sera fait.
Depuis quelques semaines, je publie quotidiennement des graphiques de l’évolution de la situation au Québec ainsi que quelques idées de scenarios à venir. Toutefois, cette situation est l’occasion pour moi d’exercer les principes que je présentais récemment dans mon “manifeste” personnel. Je pense que plus que jamais, nous devons nous projeter dans l’avenir, réfléchir aux options qui s’offrent à nous. Dans mon manifeste, j’amenais le modèle Two Loops, un modèle simple soulignant le déclin d’anciens modèles dominant et l’émergence de nouveaux modèles. Ces derniers jours, il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour trouver des articles démontrant la vulnérabilité de bien des modèles en place, possiblement devenus insoutenables, ou montrant d’autres modèles possibles. Cette crise va précipiter des transitions latentes depuis un certain temps -malheureusement, dans une certaine souffrance d’ensemble.
Nous sommes en gestion de crise. Il est normal que les autorités gèrent la situation en se concentrant sur le moment présent. La majorité des gouvernements, celui du Québec en tête, suivent le “playbook” de la gestion de crise à la lettre: des messages simples, concentrés sur des actions aussi spécifiques que possibles. Ceci vient aussi avec le fait de relativement peu s’étendre sur le futur, des scenarios jugés trop catastrophiques par une partie de la population pouvant amener des réactions de panique tandis que des scenarios trop optimistes pouvant provoquer du laxisme chez certains. Je suppose que c’est entre autres pour cela que le gouvernement du Québec ne publie pas de scénario pour l’épidémie au Québec
Cette approche de gestion, bien que nécessaire, a tout de même des effets dommageables, notamment le fait que nos processus cognitifs deviennent prisonniers du présent, incapables de se détacher du chiffre du jour, de la nouvelle du moment. Or, pour se sortir de cette crise, pas seulement dans sa dimension sanitaire, il faut aller au-delà du moment présent et essayer de faire du sens avec ce que nous vivons, individuellement et collectivement. Je suis également persuadé qu’il y a un bénéfice psychologique à se projeter dans l’avenir, du moment où le faisons en ayant connaissance de l’incertitude.
Le présent article va se concentrer sur la compréhension de la crise que nous vivons et essayer de structurer les réponses que nous y donnons. Un second article couvrira plus la suite: quelles sont les éléments importants une fois sortis de la zone rouge.
Plusieurs personnes m’ont signalé que nous avons des professionnels pour faire le travail épidémiologique. Je le conçois: je ne suis pas un expert en épidémiologie ni même un analyste de données reconnu. Toutefois, en l’absence de chiffres publics, il me semble pertinent de se donner une base de compréhension pour appréhender la suite, là encore, pas juste dans la dimension santé publique, mais pour la vision d’ensemble.
Bref, je fais confiance à nos experts pour nous guider vers la meilleure sortie sur la partie de santé publique, en même temps il est nécessaire de largement comprendre ce qui se passe, et comment ça se passe, pour en sortir tous ensemble et en sortir d’une manière positive. Pour relancer le Québec, le monde, il va falloir des efforts coordonnés et structurés qui se basent sur une compréhension approfondie de tout ce qui se passe. Je n’ai pas la prétention d’offrir la solution, ce billet est plutôt une contribution à une réflexion collective.
Les données au coeur de la réflexion
Hormis à quelques occasions, comme durant des krachs boursiers, il est rare de voir l’ensemble de la population le nez ainsi rivé sur des chiffres. La nouvelle messe collective au Québec a lieu à 13h, alors que les chiffres du jour sont présentés. Les journalistes questionnent la progression, les pourcentages, les méthodes de collecte de données. Des patenteux comme moi mettent à jour leur graphique. Experts et amateurs essaient de projeter les courbes tendantielles: mesure-t-on les bonnes choses? Quelles sont les zones d’ombre? Le simple fait de discuter collectivement ainsi de données, et de leur signification pour notre quotidien est en soi digne de mention.
Rarement la prise de décisions de nature politique n’aura été aussi clairement liée à des données et à leur analyse publique. A contrario, se baser sur son intuition n’aura jamais été aussi dangereux et évident: l’évolution exponentielle du virus la rend contre-intuitive par définition. Bref, c’est l’occasion de prendre conscience collectivement du rôle des experts et des données dans la prise de décision, de la nécessité d’avoir des données de qualité, traitées comme un actif central à notre société, et d’avoir une littératie de données collectives.
Progression initiale
L’objectif de ce billet est d’essayer d’envisager ce qui s’en vient, mais pour commencer il faut regarder certains éléments passés et présents, à commencer par la progression initiale de la maladie.
Vous trouverez, en bas de page, une série d’hypothèses et d’explications qui sont très importantes pour comprendre les graphiques de ce billet. Je me contenterais à ce stade-ci d’un seul gros avertissement (outre le fait que je ne suis pas expert): les graphiques et analyses présentées ici sont à titre indicatif, ils ne visent pas à fournir une évaluation complète ou parfaite de la situation, l’objectif est plus de se donner une vue d’ensemble de la situation. De manière générale, toutes les analyses prospectives que vous pouvez voir sont incomplètes car les incertitudes sur le fonctionnement du virus, et notamment sa prévalence réelle, sont énormes. Ce n’est que plus tard, avec le recul, que nous aurons une compréhension plus complète. Mais nous devons avancer avec ce que nous avons en main aujourd’hui. Fait important: les graphiques insérés dans ce document ne sont pas des images, mais des visualisations dynamiques de données; en d’autres termes ces graphiques évolueront à mesure que je mets les données à jour!
La donnée sur les cas est la plus utilisée publiquement mais elle souffre d’une lacune importante: on ne trouve que ce qu’on cherche; les cas augmentent si on teste la population et selon la population que l’on teste. Comme la maladie peut être asymptomatique chez une portion (inconnue) de la population, on ne sait pas combien de cas on rate. Manque-t-on la moitié des cas? 90% des cas? De nombreuses hypothèses circulent. Dans le cas du Québec en particulier, une augmentation significative du nombre de test, ainsi qu’un changement de méthodologie dans la gestion des cas “probables” fait qu’en date du 23 mars on voit apparaitre beaucoup plus de cas. C’est là un artefact méthodologique, pour l’ensemble de mes analystes, je tiens relativement peu compte de l’avant 23 mars. Une information largement manquante dans les graphiques publiés (et je souffre de la même lacune) consiste à regarder le nombre de tests réalisés. L’évolution du ration tests positifs / négatifs sera surement riche d’information aussi.
Les données d’hospitalisation sont plus fiables mais sont en retard sur les cas. En effet, alors que des porteurs peuvent être identifiés relativement tôt dans le développement de l’infection, l’hospitalisation va arriver génétalement plus tard -quand elle arrive. Les hospitalisations sont importantes pour évaluer l’impact sur le système de santé, toutefois pour envisager l’impact des mesures de mitigation, le retard est problématique. Au moment d’écrire ces lignes, le taux d’hospitalisation au Québec est plus faible qu’à bien d’autres places. Cela peut se traduire par plusieurs éléments, par exemple le Québec teste plus qu’ailleurs et donc le dénominateur du ratio d’hopitalisation (nombre d’hospitalisation / nombre de cas déclaré) est plus élevé. C’est le problème des ratios, ils sont valables si on peut controler un des deux facteurs, ce qui n’est pas toujours le cas.
Le Financial Times publie depuis quelques semaines un graphique permettant de comparer les pays entre eux. Ce graphique est intéressant à plusieurs égards: la majorité des pays suivent une même trajectoire de propagation avant prise de mesure. Peu importe la variété des modèles de test et de mesure, tous les pays, tous les foyers de contamination sont soumis, à peu de choses près, aux mêmes règles. Même si de manière générale je compare le Québec à lui-même (e.g évolution dans le temps), plusieurs hypothèses que je prends, par exemple sur les taux de croissance, viennent des données obtenues des autres pays.
Il est intéressant de voir circuler dans le grand public des graphiques en base logarithmique! Aussi l’analyste, John Burn-Murdoch, a eu l’excellente idée de commencer le graphique à partir du 100ème cas. Au début, la vitesse de propagation peut être très variable selon le niveau de sociabilité/contact des premiers cas, impliquant une grande variabilité. Par la suite, la loi de la moyenne prend le dessus et rend l’ensemble des cas plus comparables.
Ces différentes analyses de données, principalement visuelles, permettre de souligner l’implacable prévisibilité mathématique de l’évolution naturelle de la maladie. Ces données justifient pleinement les décisions prises à travers le monde et au Québec d’agir rapidement. L’histoire nous montre qu’en l’absence d’une compréhension de la dynamique de propagation d’une maladie, un virus comme celui que nous voyons actuellement peut rapidement se traduire par des millions de morts, des pays et des économies ravagés; l’exemple le plus évident est celui de la pandémie grippal de 1918 (aka grippe espagnole) qui en sont temps a touché (seulement) 27% de la population et envoyé au cimetière 100 millions de personnes.
Mais, une fois que l’on sait ça, comment agir?
Les stratégies non médicales
Une fois une épidémie commencée, il existe plusieurs stratégies possibles pouvant être mises en place. La meilleure stratégie est évidemment le traitement médical, soit de manière préventive (vaccin) soit de manière curative (antiviral). Quand ces options ne sont pas disponibles, il existe des possibilités non médicales. Ces stratégies ne sont pas nécessairement exclusives, elles peuvent se compléter dans une certaine mesure. Certaines tactiques particulières peuvent correspondre à une ou plusieurs stratégies.
J’ajoute cette section car depuis le début de la pandémie, on parle de “distanciation social” et d’“aplanir la courbe” pour ce qui m’apparait être des stratégies différentes et donc des objectifs différents. Je tire les principes ci-dessous de la lecture de plusieurs articles scientifiques, toutefois le vocabulaire utilisé est largement le mien.
L’endiguement géographique
La première stratégie consiste à limiter la propagation spatiale de l’épidémie. La majorité des épidémies récentes (SRAS, MERS, Ebola) ont été maitrisées grâce à un endiguement géographique réussi. Évidemment, ça se traduit par des mesures aux aéroports, des fermetures de fontières, etc. Le fait d’isoler Wuhan et la province de Hubei visait à limiter l’épidémie à un territoire particulier. Toutefois, nous savons maintenant que la maladie développée suite au virus SARS-CoV2 est contagieuse même dans la période précédent les symptômes et via les porteurs asymptomatiques. Ça en fait donc un mauvais candidat pour l’endiguement géographique: comme l’a très bien expliqué le New York Times, quand on a décidé de fermer les fontières, il était déjà trop tard: des dizaines de malades, symtomatiques ou pas, se promenaient à travers le monde.
Toutefois, la stratégie d’endiguement géographique a tout de même joué un rôle majeur: gagner du temps. En limitant l’afflux de maladie ailleurs en Chine et dans le monde, les autres foyers de contamination sont partis plus petits et ont donc mis plus de temps pour arriver à un seuil critique, faisant ainsi gagner du temps à tous les autres pays pour préparer leur réponse. Considérant que les autres stratégies ont besoin de temps, c’est un élément considérable.
Le gouvernement chinois est surement d’avoir caché beaucoup d’information et selon toute vraisemblance d’avoir caché l’ampleur de la situation, mais leur décision d’imposer le bouclage strict d’une province de 50 millions d’habitants relativement tôt (bien des pays accidentaux ont attendu plus longtemps pour décider un bouclage ) a surement fait gagner du temps au reste du monde, plusieurs jours voire semaines.
L’endiguement géographique demeure une solution utile et viable partout: au Québec, les déplacements régionaux sont limités pour éviter que des certaines régions actuellement indemnes soient contaminées. On ne pourra plus arrêter la propagation mondiale du SARS-COV-2, mais gagner du temps demeure important.
Le ralentissement
La seconde stratégie est de ralentir la propagation. Sans revenir sur le fonctionnement détaillé, la propagation d’un virus se caractérise par son R0, à toutes fins pratiques le nombre de personnes qu’un malade va contaminer. Avec un R0 inférieur à 1, la maladie va s’éteindre naturellement; à 1 c’est une maladie dont l’ampleur sera stable, au-dessus de 1, c’est une maladie qui va croitre exponentiellement.
Si le R0 est théoriquement expliqué comme le nombre de personnes qu’un malade va contaminer dans une salle, la réalité est plus complexe. C’est la combinaison du temps pendant lequel une personne est contagieuse factorisé par le nombre de personnes avec qui le malade est en contact pendant cette période et évidemment le taux de transmission à chaque contact (lui-même variable selon la nature du contact). Si le taux de transmission intrinsèque du virus ne change pas, en revanche il est possible de modifier les autres paramètres. En d’autres termes, le R0, en condition réelle, est variable.
La stratégie de ralentissement vise à contenir l’augmentation du nombre de cas dans une zone gérable pour le système de santé. L’objectif ultime est que la maladie va atteindre sa limite de développement par immunité de troupeau, mettons 50%-70% de la population affectée et donc naturellement immunisée, tout en mettant à l’abris les plus vulnérables. En attendant que la majorité de la popuation s’immunise, on baisse donc le R0, mais il reste au-dessus de 1.
C’est là que j’ai du mal avec l’expression d’aplanir la courbe. Quelle courbe? Celle du nombre total de malade (prévalence cumulative) ou celle du nombre de nouveaux malades quotidiens (incidence). Dans le cas du ralentissement, on pourrait théoriquement avoir une augmentation linéaire du nombre cumulatif de cas (cette courbe n’est pas aplanie) avec un nombre quotidien de nouveaux cas stables (cette courbe est aplanie).
L’évolution des cas de Norvège montre un exemple de progression ralentie du virus (même s’ils ont combiné plusieurs stratégie). Après le 10 mars, l’évolution du nombre de cas cumulatifs est linéaire, le nombre de nouveaux cas quotidien est relativement constant.
Quoiqu’il en soit, c’est dans cette stratégie que la distanciation sociale est importante. On n’arrête pas vivre, mais on arrête tout de même certaines activités plus propices au partage de virus et on garde une saine distance avec les autres. On protège aussi, par isolement, les populations les plus vulnérables. Cette stratégie permet de continuer à vivre à peu près normalement (en théorie) tout en gérant les cas qui apparaissent. C’est ce qui fut mis en place initialement au Québec avec l’interdiction des ressemblements et les fermeture d’école.
Toutefois, l’expérience au Québec et ailleurs montre que ce virus est tellement contagieux qu’il est difficile de ralentir sa progression au point de sortir d’un régime exponentiel. Ceci dit, certains pays comme la Suède et le Japon semblent arriver à maitriser la croissance dans un domaine raisonnable avec cette stratégie (parfois cumulé avec des éléments d’autres stratégies). Cette stratégie est longue mais a l’avantage que la majorité de population est immunisé. Même si les personnes vulnérables ne sont pas immunisées, c’est moins pire puisque le substrat de propagation n’est plus là.
Un point important toutefois sur le “long”: si on devait aplanir la courbe selon cette stratégie, c’est-à-dire maintenir un niveau qui ne déborde pas les urgences toute en atteignant l’immunité de troupeau, on en aurait pour plusieurs années. En d’autres termes, on resterait dans cette stratégie jusqu’à trouver un vaccin.
L’étouffement ciblés
L’étouffement ciblé vise à ralentir et idéalement stopper la propagation du virus en ciblant spécifiquement les malades, réels ou potentiels. L’objectif de fond est d’isoler de manière complète les malades; ainsi le nombre de contact des malades passe à 0, et le R0 aussi. La difficulté dans le cas du virus actuel est qu’il est contagieux avant symptômes ou avec des symtômes légers, ce qui rend problématique la démarche d’isolement des malades.
Ça implique donc une capacité de test très bien organisée pour évaluer rapidement les malades potentiels et leur donner rapidement leur résultat. Ça prend aussi des méthodes de “contact tracing” efficaces: remonter l’ensemble des contacts d’une personne touchée, avoir un moyen pour les contacter efficacement pour les mettre en isolement préventif et encore une fois, tester rapidement.
Bien appliquée, comme ce fut le cas en Corée du Sud, cette stratégie permet de réellement étouffer la propagation. A priori ça peut fonctionner sur une éclosion en cours dans la mesure où le nombre de personnes reste gérable, mais dans une épidémie de grande ampleur comme en Italie ou aux États-Unis actuellement, ça semble logistiquement impossible. Ça prend une organisation sociale et politique bien préparée, c’est un point critique sur lequel je reviendrais dans le billet suivant.
Cette stratégie peut donner des résultats assez rapides comme l’a montré la Corée du Sud, toutefois, une fois l’éclosion maitrisée, il n’en reste pas moins que la majorité de la population n’est pas immunisée.
On peut donc revenir à un niveau de “nouveau cas” faible, mais ça nécessite un effort continu d’étouffement. Comme l’explique un épidémiologue sud-coréen, même si la Corée du Sud a rapidement sur maitriser leur éclosion, ce virus est particulièrement challengeant et éreintant pour le système médical, même une fois le gros de l’éclosion contenu.
La suppression par confinement
La dernière stratégie; c’est un peu bouton nucléaire dans l’arsenal de réponse à une pandémie: la mise en isolement de manière indistincte de la population sauf les personnes jugées essentielles. Au lieu de viser les personnes vulnérables ou les malades, tout le monde est visé. En baissant drastiquement le nombre de contacts totaux à grande échelle, un des facteurs du R0 (le nombre de contact) tombe à zéro pour une majorité de la population et donc la moyenne populationnelle du R0 devient très basse.
Le confinement s’auto-suffit en théorie: le traçage et les tests deviennent moins importants, les tests servent surtout à évaluer l’évolution de l’épidémie et à imposer un isolement plus strict aux malades. Évidemment, le remède est presque aussi dangereux que la maladie à l’échelle sociale: arrêt de grands pans de l’économie avec les conséquences que nous observons, isolement social, impacts psychologiques, récession, etc. Cet état ne peut pas durer très longtemps, heureusement il se traduit par un pic de contamination assez bref suivi d’une réduction assez rapide… mais qui ne peut garantir la suppression complète à long terme: le virus existe encore, le gros de la population n’est pas immunisé, une éclosion peut ressurgir n’importe quand.
Si vous voulez voir de manière plus détaillée comment fonctionne une épidémie et l’effet d’un confinement, cet article est très bien fait.
Quelle stratégie actuelle pour le Québec
Au moment d’écrire ces lignes, nous avons déjà épuisé la majorité des stratégies. L’endiguement, essayé au début, a échoué à arrêter la propagation. Il ne peut désormais qu’être utilisé en complément d’autres stratégies pour ralentir la propagation; gagner du temps (ce qui n’est pas rien toutefois). C’est pour cela que certaines régions du Québec moins touchées font l’objet d’un filtrage via les principaux axes routiers.
À ma connaissance, l’étouffement ciblé n’a pas vraiment été utilisé. Certes, on a demandé au personnes avec symptômes ainsi qu’aux retours de vacances à l’étranger de s’isoler, mais la stratégie de test au début de l’épidémie n’était pas au point pour cela et nous n’avons pas les infrastructures pour faire un traçage rapide (la santé publique a toutefois mis beaucoup d’effort à faire du traçage).
Le ralentissement a été essayé pendant une dizaine de jours, mais cette approche a relativement peu fonctionné dans les pays européens et l’augmentation rapide des cas, alors que la capacité de test était encore limitée, a amené à choisir une approche de confinement, dans une version moins contraignante qu’en Chine, en Italie ou en France.
Tel que mentionné plus haut, il est difficile d’éviter cette ultime stratégie considérant la situation. La croissance explosive du nombre de cas et l’inertie entre la prise de mesure et leurs effets a fait qu’il était nécessaire d’agir de manière décisive et rapidement. Même si le confinement est perçu comme une méthode archaïque digne des époques féodales, elle a prouvé son efficacité dans plusieurs régions. Toutefois, comme je l’expliquerai dans le prochain billet, nous ne pouvons nous en tenir à ça: hormis un endiguement réussi, toutes les stratégies qui nous permettent de ressortir rapidement d’un volume significatif laisse le virus en circulation et la population susceptible, à risque d’être infectée.
Quelques hypothèses et explications concernant les graphiques et analyses de ce billet
Pourquoi je ne fais pas de taux populationnel?
Faire des taux en fonction de la population présent un intérêt particulier pour les événements généralement répartis et où un taux permettra de comparer différentes régions. Dans le cas d’une épidémie comme celle que nous vivons, la propagation se fait de proche en proche, très rapidement (voir les visualisations du Washington post). Sans action, la prévalence cumulée va tendre vers 50-70% de la population. Dans ce contexte, regarder des proportions amène relativement peu d’information, ça n’informe pas vraiment d’où en rendu dans la propagation au sein d’une population, ça permet seulement de savoir vaguement l’avancement de l’épidémie. Des taux populationnels pourront être calculés après l’épidémie, quand on voudra évaluer l’efficacité de différentes régions à juguler la propagation.
Pourquoi je compare peu Québec aux autres provinces / pays?
Il est très difficle de comparer les régions entre elles: les stratégies déployées différent, les méthodes de comptages, la population est testée différemment. Bref, les chiffres sont difficiellement comparables. À moins de vouloir passer beaucoup de temps à comprendre ce que fait chaque pays, il me semble préférable de regarder l’évolution d’une région en particulier.
Pourquoi regarder les autres pays alors?
Les pays qui sont “en avance” sur nous dans la courbe nous permettent d’évaluer grossièrement notre situation. Par exemple le graphique de Financial Post permet de voir combien tous les pays subissent une même trajectoire. E.g à méthode constante, l’évolution est la même, donc si on ne peut pas comparer les chiffres entre eux, on peut tout de même comparer à haut niveau les trajectoires.
Pourquoi regarder le Québec comme un pays?
Ce n’est pas souverainisme! Tel que mentionné plus haut, tout foyer de propagation d’une taille suffisante se comporte de manière prévisible. Pour évaluer l’évolution de la situation, il est plus facile de suivre un foyer particulier régit par un ensemble de règles homogène: au Québec, le comptage, les tests, les mesures de confinement etc. sont fait selon à peu près les mêmes références, ce qui n’est pas le cas si on intégre l’Ontario, etc. Bref, suivre le Canada dans son ensemble est plus difficile à interpréter puisqu’il y a plusieurs foyer avec des “règles” différentes.